Sarkozy veut contrôler un chômeur sur deux

Ménilmontant,  mais oui Madame ! Le 7 Avril 2011 par Fabien Abitbol

 

Lors d’un déplacement ce jeudi 7 avril à Issoire (Puy-de-Dôme), dans le cadre de la semaine de l’Industrie (lire ici l’agenda de l’Elysée), le président Sarkozy a annoncé sa volonté de renforcer les contrôles des chômeurs indemnisés, invoquant un impératif de «justice sociale» vis-à-vis de ceux qui «travaillent dur». Retour direct à “la France qui se lève tôt”, qui fut le slogan de Nicolas Sarkozy de 2005 à 2007.

PoliceEmploi «C'est un problème de justice, de justice sociale envers les salariés et les ouvriers qui travaillent dur (...) que de s'assurer que celui qui est au chômage et qui a des allocations grâce a la solidarité nationale fera tous ses efforts pour accepter une offre d'emploi ou pour accepter une formation pour s'en sortir», a lancé le chef de l’Etat, estimant («désolé de le dire mais [il] le pense») que «puisque nous commençons à sortir de la crise, il va falloir faire des contrôles plus précis et plus exigeants pour les chômeurs qui bénéficient d'allocations et qui refuseraient des offres d'emploi disponibles».

Seulement voilà. Moins d’un chômeur sur deux inscrit à Pôle emploi perçoit des allocations chômage: «La part des demandeurs d’emploi de catégories A, B, C, D, E (hors formation) indemnisés au titre du chômage s’établit ainsi à 49,5 % en janvier 2011», écrivait la DARES en page 7 de sa note de conjoncture du 24 mars 2011 (à télécharger ici).

Avec 4,04 millions de demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi dans les catégories A, B et C en février et 597 900 en D et E (uniquement en France métropolitaine), selon ce communiqué de presse du 24 mars émanant du ministère du Travail, cela fait —au bas mot— 2,280 millions de fraudeurs potentiels, ou profiteurs professionnels supposés, dans le langage présidentiel. Un tel contrôle ne peut qu’alourdir un climat de suspicion, comme il en règne déjà à l’endroit des bénéficiaires d’aides sociales ou des allocataires de minima sociaux, souvent une grosse partie, du reste, de l’autre moitié des demandeurs d’emploi… du moins s’ils ne vivent pas en couple avec une personne gagnant correctement sa vie, et dont ils sont supposés vivre «aux crochets», qu’ils soient mariés, pacsés, ou même en union libre.

Sans compter que, depuis juin 2010, nous sommes prévenus: les effectifs de Pôle emploi doivent baisser en 2011 «sauf si la situation s'aggrave considérablement». Et au moins mille équivalents temps plein, qui doivent être redéployés vers les Urssaf (caisses de recouvrement), avec un dégraissage net de 300 personnes. A travers la France, les mobilisations des agents du service public de l’emploi se poursuivent, comme ici en Région PACA (où 145 postes sont menacés).

La machine à exclure

La volonté présidentielle s’ajoute entre autres à cette proposition de loi du député UMP de Moselle Pierre Lang, déposée le 30 mars à l’Assemblée, visant à faire travailler, sans contrepartie, sous forme de travaux d’intérêt général, vingt heures par semaine, les chômeurs indemnisés depuis plus de six mois. Là aussi, cette proposition de loi pose question. Outre le problème moral du caractère obligatoire d’un travail bénévole (connu sous l’Ancien régime sous le nom de corvée), la durée hebdomadaire de vingt heures par semaine —plus de la moitié de la durée légale du travail— empêche le demandeur d’emploi de chercher correctement du travail, alors qu’il est supposé être «en recherche active d’emploi» pour figurer dans les catégories A, B et C. S'il ne remplit pas ce critère, il peut être suspendu (voire radié) et, dans un cas comme dans l'autre, voit ses allocations réduites ou supprimées par le préfet. Le “travail gratuit” n'est donc clairement pas conciliable avec la perception d'allocations-chômage.

Dautre part, un “gros” mi-temps non rémunéré prend la place d’un mi-temps qui pourrait être occupé par un chômeur salarié à temps partiel, ou deux mi-temps prennent la place d’un emploi à temps plein.

A vouloir trop stigmatiser les salauds de pauvres, les “profiteurs” d’un système qui n’est qu’une assurance à laquelle ils ont cotisée de façon —qui plus est— obligatoire, on marche sur la tête. Avec en vue la présidentielle de 2012, qui commence pour le président Sarkozy sur les deniers publics, si tant est qu’elle n’a jamais cessé.

Quant aux plus pauvres des exclus, les demandeurs d’emploi non indemnisés par l’assurance chômage mais qui restent tout de même inscrits à Pôle emploi (la grosse moitié, donc, des effectifs), il est évident que les agents de Pôle emploi, déjà surchargés, n’auront plus le temps de s’occuper d’eux… Qu’à cela ne tienne: ils iront grossir les piles déjà épaisses des dossiers des assistantes sociales.

Mais c’est là un moindre problème pour l’Etat, car ces dernières dépendent surtout des Conseils généraux (lire ici la fiche-métier). Les Conseils généraux, ce sont ces institutions pour lesquelles ont eu lieu en mars des élections qui furent une Berezina pour l’UMP. Les Conseils généraux, ce sont ces institutions qui se battent pour récupérer l'argent que l'Etat leur doit au titre, notamment, du RSA, que demandent entre autres les chômeurs exclus de l'assurance-chômage. Les Conseils généraux, enfin, faut-il le appeler?, sont appelés à… disparaître en 2014 du fait de la réforme territoriale. Mais 2014, c’est après 2012, et c’est une autre histoire.


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Dernière mise à jour de cette page le 08/04/2011

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