Source : La Horde, mis en ligne le 13 juin 2014
D’inspiration libertaire et remplie de références historiques précises, cette petite brochure intitulée « Misère de la fausse critique : comprendre Comprendre l’Empire » liste toutes les contradictions, erreurs historiques, raccourcis grossiers qui composent l’ouvrage de référence de celles et ceux qui se réclament de la « pensée » de Soral. En 70 pages, elle démontre le vide sidéral de son discours. Loin de proposer une grille de lecture théorique du monde (avec laquelle on pourrait être ou non en accord, mais qu’on pourrait alors combattre sur le plan politique), Soral se contente paresseusement et sans aucune originalité de dénoncer les sempiternels boucs-émissaires (Juifs, francs-maçons) que l’extrême droite voit partout, et de reprendre un discours nationaliste réactionnaire qui sent bon la France moisie. Par un travail patient de mise à jour de la malhonnêteté intellectuelle de Soral et surtout de sa méconnaissance de l’histoire du monde, les auteurs de la brochure offrent à celles et ceux qui le souhaitent un argumentation solide pour démontrer l’imposture de celui qui se présente comme un intellectuel, mais qui n’est rien d’autre que le dandy pédant qu’il n’a jamais cessé d’être.
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Sommaire :
Introduction
Sur l’imposture fondamentale à la base du titre du livre
La conception d’un peuple « irresponsable » entretenue par Soral, rend vain le combat contre l’Empire
La turlutte des classes selon Soral
Soral ou la haine des contre-pouvoirs
Soral n’a pas fait sauter la banque
Les gages donnés à l’extrême droite
En conclusion
Extraits :
Ce texte consacré au livre d’Alain Bonnet de Soral « Comprendre l’Empire » avait pour objectif d’ouvrir une série d’analyse consacrée à divers avatars de « la fausse critique ». Par « fausse critique », nous entendons des critiques partielles de la domination qui, partant de constats exacts mais incomplets sur le monde actuel, aboutissent – de bonne ou de mauvaise foi – à des conclusions erronées. La fausse critique peut-être comparée au « capitalisme vert » qui consiste à prétendre polluer moins pour continuer à polluer plus longtemps. En ce qui la concerne, la fausse critique affecte de critiquer la domination pour permettre de dominer davantage ou autrement. Son pouvoir de nuisance est réel, parce qu’elle apporte de fausses solutions aux faux problèmes qu’elle soulève, parce qu’elle jette la confusion dans les esprits qu’elle détourne des critiques plus authentiques, et enfin, parce qu’arc- boutée sur la petite part de vérité de ses prémices, elle peut faire passer ceux qui dénoncent ses manques et ses incohérences pour des suppôts de la domination. (…)
La fausse critique « de mauvaise foi », est quant à elle volontairement « confusionniste ». Elle sème la confusion dans les esprits pour tromper son public et le détourner des critiques plus authentiques. Elle aura le plus fréquemment pour but d’inciter une large partie de la population à agir contre ses intérêts de classe, par exemple en substituant des adversaires fictifs à ses adversaires réels : Ainsi, à la lutte entre salariés et détenteurs du capital, la fausse critique substituera la lutte entre travailleurs nationaux et travailleurs étrangers, mis en concurrence par ces mêmes détenteurs du capital. Très appréciées par l’extrême droite, ces manipulations confusionnistes interviennent dans une stratégie électoraliste de conquête du pouvoir, qui permet de discréditer des adversaires politiques en détournant et en travestissant leur discours.
C’est donc avec cette fausse critique « de mauvaise foi » que nous débuterons nos analyses, au travers du livre d’Alain Soral, Comprendre l’Empire. (…)
Soral est-il dangereux ? Est-il véritablement « fasciste » ? D’autres analyses permettent de s’en faire une idée et nous voudrions tout d’abord vous y renvoyer1. Comme nous l’avons annoncé, nous jugeons sur cette page la fausse critique « sur pièces», c’est à dire en l’occurrence sur le seul texte de « Comprendre l’empire », sans nous référer au parcours et aux engagements de Soral ou même à ses écrits antérieurs sauf lorsqu’ils permettent d’éclairer certaines notions employées dans son livre.
Comme nous le verrons, « Comprendre l’Empire », s’il mêle dans un improbable patchwork la plupart des thèmes classiquement agités par la droite extrême, manque trop de force, de rigueur et de cohérence, pour être « en lui-même » véritablement dangereux. Ce texte est par ailleurs trop détaché du réel, trop prisonnier de l’idéologie et de l’interprétation, trop éloigné de la proposition concrète, pour susciter de quelconques – mauvaises – actions.
Sa « nocivité » nous semble plutôt résider, dans la confusion qu’il introduit partout au sein de la réflexion et de l’action politique, dans le discrédit qu’il porte à la critique véritable : « Vous êtes contre le FMI et contre la mondialisation capitaliste ? » demandera le commentateur peu scrupuleux et il pourra ajouter « Vous êtes donc dans le même camp qu’Alain Soral et Marine Le Pen… »2, dans sa manie de toujours substituer les faux débats aux véritables problèmes, l’abstrait au concret, l’idéologie aux luttes réelles, dans sa capacité démobilisatrice – les tombereaux de vaines certitudes et de calomnies qu’il déverse pouvant sans doute inciter de nombreux jeunes gens à déposer de douteuses offrandes dans les urnes, plutôt que de les encourager à descendre dans la rue et à construire par eux-mêmes un monde meilleur, enfin et surtout, dans la fabrique de l’opinion réactionnaire à laquelle il participe. A cet égard, Alain Soral offre, non pas du temps de cerveau disponible à Coca Cola comme Patrick Le Lay, mais prépare les cerveaux à la réception des mensonges d’une Marine Le Pen ou de tout autre récupérateur populiste ou proto-fasciste.
Notes
1.Voir notamment le livre de Michel Briganti, André Déchot et Jean- Paul Gautier paru aux Éditions Syllepse en 2011, La galaxie DIEUDONNÉ, ou l’article intitulé Le nécessaire bilan de deux décennies «d’antifascisme» par la Coordination des Groupes Anarchistes de Lyon ou encore, deux billets du site Article 11 consacrés aux nouveaux habits de l’extrême droite : : Quand l’extrême droite mue : petite plongée dans la galaxie des fachos « antisionistes et anti-impéralistes » et Retour de brun.
2 Il ne faut évidemment pas tomber dans le piège et abandonner des revendications légitimes, sous prétexte qu’elles sont récupérées et travesties par les populistes et les fascistes. Ce serait faire un bien trop grand honneur à leur fausse critique ! A l’inverse des aboyeurs frontistes, ultralibéraux hier et prétendument protectionnistes aujourd’hui, il convient d’afficher des opinions cohérentes sur le long terme, en précisant nos positions et en donnant des perspectives concrètes à nos revendications pour les distinguer des harangues populistes. Voir à ce sujet quelques préconisations de l’économiste Frédéric Lordon, dans son article intitulé « Qui a peur de la démondialisation ».
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