Blog > Lot : pollution à la créosote. Le chemin des traverses, suite

Le 09/12/2009 à 03:27Nature et environnement

Le Lot en Action. Article du mag n°6 par Bluboux

Petit rappel pour les lecteurs qui n’auraient pas lu l’article paru dans notre dernier numéro, relatant le début de notre enquête sur les traverses de chemin de fer (vous pouvez commander le n°5 en nous contactant par mail, téléphone, courrier ou encore chez votre distributeur). Depuis juin 2003 l’utilisation des traverses, et plus généralement des bois créosotés, est interdite ; la créosote utilisée pour rendre le bois imputrescible est une de ces saloperies chimiques que l’on a utilisé durant des générations, sachant que c’était très toxique, mais bon, la loi l’autorisant cela rendait service à de nombreuses industries, leur évitant de dépenser trop d’argent.

Et puis s’il fallait tout le temps se soucier de la santé publique, les bénéfices des grosses entreprises polluantes et les dividendes de leurs actionnaires seraient mis à mal. Et ça c’est inadmissible comprenez-vous, surtout dans une période où les entreprises souffrent. Et puis il faut préserver l’emploi… Une exception a toutefois été accordée dans l’arrêté du 2 juin 2003 pour la SNCF et là encore il est nécessaire de s’y arrêter un instant. La France a été obligée de transcrire une loi européenne qui interdit la créosote puisque le  Comité scientifique de la toxicité, de l'écotoxicité et de l'environnement (CSTEE) a souligné le caractère cancérigène de cette préparation. Mais elle l’a fait à reculons, et la raison est purement financière : les traverses sont depuis ce décret considérée comme « déchets dangereux » et doivent être suivies jusqu’à leur destruction dans des incinérateurs agréés et offrant les garanties nécessaires, notamment quand aux rejets dans l’atmosphère, parce que la créosote en l’état est déjà très toxique, mais brûlée, c’est encore pire. La SNCF retirant environ 100.000 tonnes de traverses chaque année, on comprend très vite que les sommes en jeu sont colossales.


La DRIRE (le gendarme des industries polluantes) a épinglé la SNCF et en février de cette année, la préfecture l’a mise en demeure de réaliser des travaux urgents, sous 6 mois, constatant une pollution des eaux (Cère, Dordogne et nappe phréatique) et surtout des rejets dans l’atmosphère de dérivés de la créosote. La SNCF tergiverse, commande des études, mais à ce jour rien n’est fait, et l’entreprise d’état ne prend même pas la peine d’informer les populations locales sur les risques énormes encourus attendant d’être « sollicitée par les élus et les riverains »
Vous commencez à connaitre la ligne éditoriale du journal ainsi que les motivations citoyennes et militantes qui nous animent. Il est donc hors de question de laisser les choses en l’état, et nous continuerons à enquêter sur cette affaire jusqu’à ce que les choses bougent concrètement.


La SNCF attendant d’être interpellée par les élus, nous les avons donc contactés. Et croyez-moi, dès qu’il s’agit de s’exprimer sur cette affaire, les portes ont tendances à se fermer !
Nous avons réussi à nous entretenir de ce dossier avec Dominque Orliac, député du Lot. Après avoir pris le dossier, Madame Orliac s’est engagée à interpeller le préfet, trouvant inadmissible qu’un décret ne soit suivi ni d’effet, ni de contrôle, ni de sanction. Dès réception de la copie du courrier, nous le publierons sur le site. Il est étonnant de constater que l’autre député du Lot, Monsieur Jean Launay, Maire de Bretenoux, n’ait pas pris contact avec nous comme nous l’avions convenu avec son attaché parlementaire.
Après plusieurs sollicitations du président du Conseil Général, Monsieur Miquel, (un premier rendez-vous annulé lors de la réunion publique à Figeac, jeudi dernier et un second, téléphonique, le lendemain matin), nous pensions qu’il serait très difficile de pouvoir le rencontrer. Vendredi après-midi, étant invité au pot des France Télécom qui fêtaient leur victoire à Bégoux, j’eu la surprise de voir toutes les huiles locales et ne ratais pas l’occasion. Monsieur Miquel fut un tantinet embarrassé par ma question et mon invitation à s’exprimer sur ce sujet. « Ecoutez, je ne suis pas au courant de ce dossier, je vais l’étudier. Mais il faut que je vous dise une chose, ce qui est important c’est que la SNCF ne ferme pas ce site » Si Monsieur Miquel entend par là ne rien faire, ni vague ni bruit pour préserver les intérêts d’une entreprise au détriment de la santé de milliers d’habitants, je pense que les électeurs apprécierons.
Lors de l’interview du président de la Région, Monsieur Martin Malvy (article page 3), nous l’avons alerté sur cette affaire. Il s’est engagé à étudier le dossier mais à d’ores et déjà précisé qu’il était hors de question que la Région intervienne financièrement. La SNCF est responsable, doit assumer les mises en conformité et respecter la loi. Le coordinateur régional de la SNCF, Monsieur Merlaud nous avait laissé entendre que la SNCF envisage de solliciter l’aide des collectivités. Le message est donc clair en ce qui concerne la Région.
Serge Laybros, conseiller régional, c’est également déclaré très concerné et s’est engagé à étudier le dossier.

Jean-Luc Mélenchon, député au parlement européen ainsi que Martine Billard, ancienne porte parole des Verts et député de Paris sont également saisis de cette affaire.



Sidénergie


La société Sidénergie, basée à Laval de Cère, récupère les traverses de la SNCF (10.000 tonnes par an) et les transforme… en charbon de bois pour barbecue, commercialisé notamment sous la marque « Braisal» (remarquez sur la photo du sac la mention Charbon naturel). Il est très étonnant et inquiétant, voire effrayant que des déchets dangereux soient transformés en produits vendus et utilisés dans le circuit alimentaire. Nous avions contacté la société Sidénergie, mais cette dernière ne souhaite pas communiquer pour le moment, se retranchant derrière les autorisations obtenues par la DDASS du Lot et les contrôles de la DRIRE.


Nous avons contacté le Directeur de la DDASS du Lot, Monsieur Dominique François, pour lui demander de nous transmettre les documents publics concernant cette société. Et là surprise, nous avons essuyé un refus ! « Ici tout est transparent, mais je ne peux vous transmettre ces documents publics sans l’autorisation du Préfet ». Sic !  Des documents rendus publics doivent être libres d’accès. Par exemple en ce qui concerne la qualité des eaux (L’entreprise Sidénergie est bordée par la Cère), la loi sur l’eau du 3 janvier 1992 a confirmé le caractère public et communicable de l’ensemble des données relatives à la qualité des eaux. Les résultats d’analyses, les synthèses annuelles de qualité sont des documents mis à la disposition du public (décret du 26 septembre 1994).
De plus en plus inquiets, nous avons contacté le Directeur de Cabinet de Super Préfet, Monsieur Guillaume Quenet. Ce dernier, très condescendant, nous a confirmé que c’était une procédure normale, a prétexté un agenda très chargé ne lui permettant pas de prendre connaissance de notre demande et promis de nous rappeler. Aucune nouvelle et impossible de le joindre à nouveau au téléphone.
Nous recueillons de nombreux témoignages d’habitants de Laval de Cère et de communes environnantes, qui semblent démontrer que la Cère et les terrains de la commune sont fortement pollués. Des animaux meurent en ayant les poumons atrophiés. La faune et la flore sont dans un état inquiétant, et même s’il n’est à ce stade de l’enquête pas possible de prouver que la société Sidénergie est directement responsable, il est légitime d’émettre de sérieux doutes, renforcés par l’attitude de la préfecture et des administrations.

 

Et l'état dans tout ça...

La problématique dépasse les enjeux des communes de Biars et de Laval de Cère. La SNCF-RFF ne respecte pas la loi, et ce depuis 2003, en ne suivant pas ses déchets dangereux (dissémination de traverses sur tout le réseau, sans aucune protection depuis des années) et se débarrasse de ces derniers à bon compte en les refourguant à Sidénergie, sans assumer ses obligations de suivi. Si la SNCF-RFF devait détruire, ou payer une entreprise agréée pour le faire dans des conditions légales, la facture serait… colossale. Quant à la société Sidénergie, elle récupère  de la « matière première » pour la transformer en produits liés à l’alimentation, réalisant ainsi de fortes marges.
L’affaire arrange donc les protagonistes. Est-il besoin de préciser que l’actionnaire unique de la SNCF et de RFF est… l’état. On comprend mieux, à la lumière de toutes ces informations, le laxisme (et ce terme est pour le moins gentil) dont fait preuve ce dernier : les arrêtés d’août 2008 et février 2009 ne sont toujours pas respectés, malgré la mise en demeure, et l’on ne peut pas vraiment dire que Super Préfet s’en soit vraiment énervé pour faire avancer ce dossier. En ce qui concerne la DDASS, s’il s’avère que les autorisations de fabriquer du charbon de bois pour barbecue, à partir de déchet dangereux ont bien été accordées, soit il y a un sérieux bug dans les processus d’octroi de ces autorisation, soit il y a clairement complicité des services de l’état dans cette affaire, et s’il était prouvé que tout cela est dangereux pour la santé humaine, être qualifié de complicité criminelle.
Nous poursuivons cette enquête avec détermination et appelons les citoyens qui se sentent concernés à interpeller leurs élus, pour qu’ils accordent toute l’énergie nécessaire à cette affaire puisque la santé publique est concernée.
Les personnes souhaitant apporter des informations sur ce dossier peuvent contacter la rédaction qui y accordera toute l’attention nécessaire.

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