Inf'OGM. Le 30 juin 2010 par Eric Meunier
| L’entreprise Pioneer vient de recevoir le feu vert du ministère états-unien de l’Agriculture (USDA) pour la commercialisation d’une plante génétiquement modifiée (PGM) par transgénèse, le soja 305423 [1] qui contient plus d’acide gras. L’entreprise Pioneer annonce une commercialisation en 2012 aux Etats-Unis. 
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 Deux éléments caractérisent ce  dossier.  Le second élément relève de l’évaluation des risques avant  commercialisation. Aux Etats-Unis, tout comme dans l’Union européenne,  un des concepts utilisés pour évaluer les risques potentiels des PGM est  celui d’équivalence en substance. Ce concept, défini en 1993 par  l’OCDE, implique pour les PGM, d’évaluer les risques liés à une PGM en  la comparant à sa contrepartie non GM. Ainsi, les caractères généraux et  la composition moléculaire d’une PGM sont comparés à ceux de la même  plante mais non transgénique. Si, à l’exception du caractère induit par  le transgène, aucune différence n’est observée, alors les deux plantes  sont considérées comme équivalentes en substance.  Dans le cas ou le caractère introduit est un caractère « supplémentaire »,  n’existant pas naturellement dans la plante tel qu’une résistance à des  parasites ou à des herbicides, l’utilisation de ce concept est justifié  par les experts par le fait que l’introduction de ce nouveau caractère  n’a pas modifié la composition « naturelle » de la plante (les  analyses fournies par les entreprises sont utilisées par les experts  pour conclure en ce sens). Par contre, lorsque la PGM ne contient pas de  nouveau caractère comme c’est le cas avec ce soja, mais contient un  caractère « naturel » modifié, l’utilisation paraît plus  difficile. Car, par définition, le soja 305423 qui contient plus d’acide  gras, est différent dans sa composition puisque justement, il contient  plus d’acides gras ! Il n’est donc pas équivalent en substance à un  autre soja proche génétiquement. Si, aux Etats-Unis, les experts de l’Agence des médicaments et de  l’alimentation (FDA) n’ont pas paru gênés par cette question, concluant,  notamment sur base d’analyse comparative de composition, que ce soja  était sain, les experts européens risquent, eux, de devoir s’atteler à  justifier une probable entorse à venir. En effet, l’UE s’est engagée  dans une révision des règles d’évaluation des PGM [3]  qui proposera que l’équivalence en substance soit la clef de voute du  prochain système d’évaluation. Les instances d’évaluation seront donc  bientôt confrontées à un dossier qui devrait les amener, si elles  souhaitent donner un avis favorable, à argumenter l’absence de risque  lié à l’utilisation d’une PGM alors même que l’équivalence en substance  n’aura pu être démontrée ! Cette occasion devrait arriver sous peu,  l’entreprise Pioneer ayant déposé une demande d’autorisation au sein de  l’Union européenne pour ce soja en octobre 2007 [4]. L’AESA n’a pas encore rendu  d’avis sur ce dossier, une demande « d’informations complémentaires »,  sans plus de précision de la part de l’AESA, ayant été envoyée en 2008 à  l’entreprise.
 Premier élément : la modification génétique en elle-même. Les PGM  actuellement autorisées contiennent un transgène qui code pour une  protéine non naturellement présente dans la plante (du moins pas sous  une forme modifiée, certaines protéines pouvant être modifiées par  mutagénèse et réintroduites par transgénèse). Le soja 305423, lui,  contient un transgène qui ne code pour aucune protéine. Il s’agit d’un  fragment de gène déjà présent dans la plante, le gène FAD2-1 qui, lui,  code naturellement pour une enzyme impliquée dans la dégradation des  acides gras. La présence d’un fragment supplémentaire de ce gène, inséré  par transgénèse, déclenche au sein des cellules du soja un mécanisme  appelé « extinction de gène ». Utilisé par les plantes comme  moyen de défense contre les virus, ce mécanisme a pour principe  d’arrêter la production de protéines quand la quantité d’ADN codant pour  ces dernières est trop importante. Ainsi, l’ajout d’un fragment du gène  FAD2-1 dans le génome du soja augmente artificiellement la quantité  d’ADN telle que perçue par la plante. En conséquence, cette dernière  arrête la production de l’enzyme correspondante. Les acides gras ne sont  donc plus dégradés et la quantité d’huile augmente. Ce soja contient  également un gène marqueur de résistance aux herbicides fonctionnant par  inhibition d’enzyme appelée acétolactate synthase. Utilisé comme gène  de sélection (permettant de sélectionner les cellules et plants  effectivement transgéniques), ce transgène confère donc une  caractéristique supplémentaire à ce soja.
 D’une manière générale, il faut noter que le concept d’équivalence en  substance en lui-même peut être discuté, car les scientifiques ne sont   pas tous d’accord sur sa pertinence pour conclure à l’absence de risque  liés à l’utilisation des PGM. Mais surtout, la place de ce concept, qui  devrait être centrale, voire exclusive, demain en Europe, pour les PGM,  apparaît d’ores et déjà controversée [2].
[1] « Pioneer  Hi-Bred International, Inc., High Oleic 305423 Soybean ; Final  Environmental Assessment, May 2010 », publié le 8 juin 2010 [2]  http://www.infogm.org/spip.php?arti... [3]  http://www.infogm.org/spip.php?arti...  [4] Demande  d’autorisation pour le soja génétiquement modifié 305423, pour  l’alimentation humaine et animale, question EFSA-GMO-NL-2007-45.
 
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