Le prêtre-paysan contre le dieu Marché

Les Nouvelles News. Le 14 Octobre 2010 par Arnaud Bihel

 

Francisco Van der HoffImposer un « marché humain, démocratique et social », c'est le défi de Francisco Van der Hoff, l'un des pères du commerce équitable. Dans son « Manifeste des pauvres », ce prêtre-paysan et docteur en économie met sa foi en l'Homme pour en finir avec une économie qui carbure à l'individualisme et à l'oppression.


 

C'est une croisade pacifique et pragmatique que mène Francisco Van der Hoff. Ce septuagénaire hollandais, solide, posé, est le cofondateur du label de commerce équitable Max Havelaar. Mercredi 13 octobre, de passage en France pour promouvoir son « Manifeste des pauvres », il était invité à l'Assemblée nationale lors d'une conférence consacrée à l'aide au développement.

Qu'attendait-il de cette rencontre avec les députés ? « Pas grand chose », nous confiait-il la veille. « Parce qu'il y a un manque de volonté politique de mener des réformes urgentes et nécessaires. » Et surtout « parce que le pouvoir des politiques est proche de zéro. Nous ne sommes pas en démocratie, mais en ploutocratie. Les élus ne représentent pas le peuple, mais des intérêts spécifiques, en particulier ceux des grandes entreprises. »

 

Un juste prix pour une vie digne

 

Mais parce qu'il ressent « l'obligation morale de dire la vérité », Francisco Van der Hoff a exposé devant les députés sa vision d'une autre économie, d'un « marché humain, démocratique et social ». Cette économie qu'il met en pratique depuis plus de 30 ans auprès des cultivateurs de café mexicains de la coopérative d'UCIRI. Avec eux, ils s'est battu contre les intermédiaires sans scrupule, les « chacals ». Avec eux, il a créé et imposé le concept du commerce équitable. « Quand nous avons commencé, en 1989, on nous a pris pour des fous ». Aujourd'hui, le commerce équitable fait vivre plus d'un million de familles dans le monde. Le principe originel de ce système, c'est le respect de l'environnement et celui de l'Homme. La juste rémunération du producteur, pour « lui donner les moyens de mener une vie digne. ». Pour cela, un prix minimum est fixé à l'avance. Ainsi, alors que le cours du café était au plus bas, entre 2000 et 2005, les producteurs ont pu être payés le triple du prix fixé par le marché.

 

« Moins d'enfer, c'est possible »


Et face aux lois du marché, ce docteur en économie politique et en théologie n'est pas prêt à baisser les bras. Plus que jamais, clame-t-il, la crise impose de « défier le système économique dominant ». Tout prêtre qu'il soit, padre Francisco use avec parcimonie du langage religieux. Et quand il le fait, c'est toujours avec une pointe d'ironie. Pour dénoncer la « foi aveugle » dans la toute-puissance du dieu Marché, « basé sur une foi transcendantale, une Providence païenne guidée uniquement par le profit et le pouvoir ».

Ce en quoi il croit avant tout, c'est en l'Homme. En la sagesse de ces paysans qu'il côtoie et qui ont su s'organiser en communautés solidaires. « Je ne crois pas que l'on puisse créer le Paradis sur terre. Mais moins d'enfer, c'est possible. Nous vivons dans un enfer absurde, que nous avons créé ».

 

Contre la croissance infinie

 

Dans son « Manifeste des pauvres » - son « petit livre jaune », s'amusent ses amis - Francisco Van der Hoff part ainsi en croisade contre la « pensée unique » du capitalisme financier. « Je ne dis pas qu'il est responsable de tous les maux, mais il est traversé par une vision de l'Homme cynique et individualiste ». C'est ce capitalisme « qui a créé la pauvreté et la misère », qui « s'est nourri des richesses confisquées aux pays du Sud ». Et ce sont les tenants de ce même système qui aujourd'hui s'inquiètent du nombre de pauvres. Mais c'est surtout parce qu'ils ont peur de ces pauvres, accuse le prêtre-paysan. Qui porte ses attaques contre un autre dogme : celui de la croissance infinie, « impossible dans un monde fini ». Le développement doit donc intégrer, comme le fait le commerce équitable, les composantes sociales et environnementales, prêche Francisco Van der Hoff.

 

« Acheter, c'est voter »

 

Comment imposer les valeurs commerce équitable face à ces dogmes si profondément enracinés ? Francisco Van der Hoff en est conscient : c'est une croisade de longue haleine, « il faudra sans doute encore 15 ou 20 ans ». D'autant que les multinationales – il fustige notamment Kraft ou Nestlé – tentent de récupérer et dévoyer les labels équitables. Ce « fairwashing est une préoccupation majeure », reconnaît Francisco Van der Hoff. Dans ce contexte, plus que sur les politiques auxquels il ne croit guère, le prêtre-paysan compte sur les bouleversements venus d'en bas, de la société civile. La montée en puissance des mouvements altermondialistes, ces dernières années, lui donnent des motifs d'espoir. Perce à nouveau le discours religieux toujours teinté d'humour : « C'est un mécanisme religieux de convertir directement les gens. », s'amuse padre Francisco, qui veut croire en une prise de conscience progressive du consommateur : « Il doit comprendre qu'acheter, c'est voter. Et faire un choix entre un monde d'exclusion, d'oppression, ou un monde qui répartit les biens entre tous, équitablement. »

Commentaire (1)

1. William Wallace - Le 18/10/2010 à 12:15

Nous voilà reparti en pleine époque Antique, les dieux des finances sont en colère, il faut donc leur faire des offrandes sacrificiels, après nos hôpitaux, notre éducation, voilà que c'est nos retraites qui vont être offertes à ces dieux voraces. Mais cela suffira t'il pour calmer leur terrible colère... Rien n'est moins sûr...
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Dernière mise à jour de cette page le 18/10/2010

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