Liberté. Le 9 Juin 2010 par Fidel Castro Ruz
Je n’ai pas le choix : il me faut écrire deux Réflexions sur l’Iran et la Corée pour expliquer qu’il existe un danger de guerres imminent où serait employée l’arme nucléaire. J’ai dit aussi qu’il était possible de faire tourner court le premier si la Chine décidait de recourir à son droit de veto pour bloquer la résolution que les États-Unis promeuvent au Conseil de sécurité des Nations unies.
Le  second dépend de facteurs qui échappent à tout contrôle, étant donné la  conduite fanatique d’Israël, converti par les États-Unis en une forte  nation nucléaire qui n’accepte aucun contrôle de la part de la  superpuissance. Lors de la première intervention des États-Unis visant à  écraser la Révolution islamique en juin 1953, pour défendre leurs  intérêts et ceux de leur fidèle allié, le Royaume-Uni, et pour installer  Mohammed Reza Pahlevi au pouvoir, Israël était un petit État qui ne  s’était pas encore emparé de la quasi-totalité du territoire  palestinien, d’une partie de la Syrie et d’une bonne part de la Jordanie  voisine, défendue jusqu’alors par la Légion arabe, dont il ne resta  même pas l’ombre.
Aujourd’hui, les centaines de missiles à ogives  nucléaires d’Israël, appuyés par les avions les plus modernes que lui  fournissent les États-Unis, menacent la sécurité de tous les États de la  région, arabes ou non, musulmans ou non, à portée de leur vaste rayon  d’action, parce que leur précision est de quelques mètres.
Dimanche  dernier, le 30 mai, quand j’écrivais les Réflexions intitulées L’Empire  et la drogue, Israël n’avait pas encore attaqué brutalement la flottille  qui transportait des vivres, des médicaments et des articles destinés  au million et demi de Palestiniens assiégés dans un petit fragment de ce  qui avait été leur patrie durant des milliers d’années. L’immense  majorité des gens occupent leur temps à résoudre les besoins que leur  impose la vie, dont les aliments, le droit aux loisirs et à l’étude, et  d’autres problèmes vitaux de leurs familles les plus proches, et ils ne  peuvent partir en quête d’informations sur les événements de la planète.  On les voit partout, pleins de noblesse, espérant que d’autres se  chargeront de chercher des solutions aux problèmes qui les écrasent. Ils  sont capables de se réjouir et de sourire. Ils rendent ainsi heureux  les gens qui, comme nous, ont le privilège d’observer avec équanimité  les réalités qui nous menacent tous.
On accuse la Corée du Nord  d’avoir torpillé la corvette sud-coréenne Cheonan, conçue selon une  technologie de pointe, dotée d’un vaste système de sonar et de senseurs  acoustiques sous-marins, dans des eaux situées face à ses côtes, cette  action atroce ayant coûté la vie à quarante marins sud-coréens et causé  des dizaines de blessés.
J’avais du mal à déchiffrer le problème.  D’une part, je ne parvenais pas à m’expliquer comment un gouvernement,  même s’il jouit de beaucoup d’autorité, pouvait utiliser des mécanismes  de commandement pour donner l’ordre de torpiller un bâtiment de ce genre  ; de l’autre, je n’ai pas cru une seconde la version selon laquelle Kim  Jong Il avait donné cet ordre.
Je n’avais pas assez d’éléments en  main pour aboutir à une conclusion, mais j’étais sûr que la Chine  opposerait son veto au projet de résolution soumis au Conseil de  sécurité pour sanctionner la Corée du Nord. Mais je ne doute absolument  pas, par ailleurs, que les États-Unis ne peuvent éviter que le  gouvernement incontrôlable d’Israël emploie l’arme nucléaire.
Le 1er  juin, dans la soirée, la vérité a commencé à se faire jour au sujet de  ce qui s’était vraiment passé.
J’ai écouté à 22h30 le journaliste  Walter Medina, animateur d’un programme phare de la télévision  vénézuélienne, “Dossier”, faire une analyse percutante. Sa conclusion  est que les États-Unis ont fait croire aux deux parties de la Corée ce  que chacune affirmait de l’autre, en vue de régler le problème du  territoire occupé par la base d’Okinawa  dont le nouveau Premier  ministre japonais, se faisant l’écho des aspirations de paix de la  population, réclamait la rétrocession. Si son parti avait remporté un  soutien électoral énorme, c’est justement parce qu’il avait promis  d’obtenir le retrait de la base militaire installée là, comme un  poignard planté depuis plus de soixante-cinq ans au cœur même du Japon,  aujourd’hui développé et riche.
Le Global Research permet de  connaître des détails absolument sidérants de ce qui est arrivé, grâce à  l’article de Wayne Madsen, journaliste enquêteur de Washington, qui a  diffusé des informations émanant de sources de renseignements sur le  site web Wayne Madsen Report.
Ces sources, affirme-t-il, “soupçonnent  que l’attaque de la corvette de guerre anti-sous-marin de la marine  sud-coréenne Cheonan a été organisée sous un faux pavillon afin de faire  croire qu’elle provenait de Corée du Nord”.
L’augmentation des  tensions dans la péninsule coréenne visait surtout, entre autres  objectifs, à exercer des pressions sur le Premier ministre japonais  Yukio Hatoyama afin qu’il modifie sa politique relative au retrait à  Okinawa de la base des marines étasuniens. Hatoyama a admis que les  tensions créées par le torpillage du Cheonan avaient eu une grande  influence sur sa décision de permettre aux marines étasuniens de rester à  Okinawa. La décision de Hatoyama a provoqué une division dans le  gouvernement de coalition de centre-gauche, ce dont Washington s’est  réjoui, puisque le leader du Parti social-démocrate Mizuho Fukishima a  menacé de s’en retirer à cause de cette volte-face au sujet d’Okinawa.
“Le  Cheonan a été coulé près de l’île Baengnyeong, un endroit de  l’extrémité occidentale, éloigné de la côte sud-coréenne, mais face à la  côte nord-coréenne. Cette île est fortement militarisée et à portée de  l’artillerie de défense côtière nord-coréenne, située de l’autre côté  d’un étroit canal.”
Le Cheonan, une corvette de guerre contre  sous-marins, était équipée de sonars de pointe, de vastes systèmes de  sonar hydrophone et de senseurs acoustiques sous-marins. 
La Corée du  Sud ne possède aucune preuve de sonar ou d’audio d’une torpille, d’un  sous-marin ou d’un mini-sous-marin dans le coin. Comme il n’y a  quasiment aucune navigation dans le canal, la mer était silencieuse au  moment du torpillage.
Or, l’île Baengnyeong abrite une base de  renseignements militaires des États-Unis et de Corée du Sud, et les  forces spéciales de la marine étasunienne y opèrent. Il y avait aussi  quatre bâtiments étasuniens dans le secteur, dans le cadre des manœuvres  Foal Eagle entre les deux pays, durant le torpillage du Cheonan. Une  investigation des traces métalliques et chimiques laissées par la  torpille suspecte indique qu’elle est de fabrication allemande.
“On  suspecte que les forces spéciales de la marine étasunienne disposent  d’une gamme de torpilles européennes afin de pouvoir recourir au "déni  plausible" lors d’attaques sous de fausses couleurs. De plus, Berlin ne  vend pas de torpédos à la Corée du Nord, mais maintient en revanche avec  Israël un programme de coopération étroite de mise au point de  sous-marins et d’armes sous-marines.”
La présence du Salvor, qui  participait aux manœuvres Foal Eagle, si près de l’île Baengnyeong  durant le torpillage de la corvette sud-coréenne, suscite des questions.
Le  Salvor, un navire civil de sauvetage de la marine, qui a participé à  des actions de pose de mines par les marins thaïlandais dans le golfe de  Thaïlande en 2006, était présent au moment de l’explosion, avec un  complément de douze hommes-grenouilles d’eaux profondes.
Beijing,  satisfaite de l’affirmation d’innocence du Nord-Coréen Kim Jong Il qui a  fait un voyage d’urgence depuis Pyongyang, suspecte que la marine  étasunienne a joué un rôle dans le torpillage du Cheonan, associée à des  soupçons particulier au sujet du rôle joué par le Salvor. Les soupçons  sont les suivants : 
“1. Le Salvor participait à une opération de  pose de mines dans le lit marin ; bref, il posait des mines  anti-sous-marins tirées horizontalement au fond de la mer.
2. Le  Salvor réalisait une inspection routinière de maintenance de mines dans  le lit marin, les plaçant sur un mode électronique actif – déclenchement  par gâchette sensible – dans le cadre du programme d’inspection.
3.  Un homme-grenouille des forces spéciales a posé une mine magnétique sur  le Cheonan, dans le cadre d’un programme clandestin, afin d’influencer  l’opinion publique en Corée du Sud, au Japon et en Chine.
Les  tensions dans la politique coréenne ont éclipsé opportunément tous les  autres points à l’ordre du jour des visites de la secrétaire d’État  Hillary Clinton à Beijing et à Séoul.”
Ainsi, d’une manière  étonnamment facile, les États-Unis ont réglé un important problème :  liquider le gouvernement d’unité nationale du Parti démocrate de Yukio  Hatoyama, mais à un coût très élevé.
Ils ont mis en relief le  prestige de la puissante Chine, dont le président, plein d’autorité  morale, est intervenu personnellement et a dépêché les principaux  dirigeants du pays converser avec l’empereur Akihito, avec le Premier  ministre et d’autres personnalités éminentes au Japon.
Les leaders  politiques et l’opinion mondiale ont une preuve du cynisme et de  l’absence totale de scrupules qui caractérisent la politique impériale  des États-Unis.
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