Source : TV5 Monde, par Pascal Hérard, mis en ligne le 5 mai 2015
Légende photo : Près de mille demandes de brevets de la part des industriels du secteur ont été effectuées en quelques années (Thinkstockphotos)
On croyait le brevetage des plantes non modifiées génétiquement impossible en Europe. Pourtant, l'Office européen des brevets (OEB) vient d'octroyer plusieurs brevets pour des légumes au profit de firmes internationales. Comment cette décision a-t-elle été possible et avec quelles conséquences ?
C'est une décision de la Grande Chambre de Recours de l'Office Européen des Brevets datée du 25 mars 2015 qui a permis de faire avancer "la cause" des multinationales sur le brevetage du vivant .
A la question "si l'on découvre un lien entre une séquence génétique existant naturellement dans une plante cultivée et un caractère particulier de cette plante, peut-on devenir propriétaire de toutes les plantes qui expriment ce caractère" , la Grande Chambre de Recours de l'Office Européen des Brevets a répondu …"oui".
La décision de l'Office européen des brevets (OEB) d'accorder un brevet pour une tomate et un autre pour un brocoli, fait donc réagir de nombreux acteurs de l'écologie, comme du secteur semencier et agro-alimentaire.
Les brevets vont plus loin que la seule protection financière de leurs détenteurs et le paiement de redevances. Le brevet sur un légume, qui utiliserait un caractère [génétique] issu d'une banque, même libre et gratuite, permet d'attaquer quiconque utilisera ce caractère.
Les conséquences sont simples : une utilisation libre, dans le cadre de recherches par exemple, sur des types de matériels génétiques n'est plus possible, si un matériel génétique est contenu dans le brevet d'une plante ! A moins d'une autorisation de l'entreprise détentrice du brevet, avec ou sans paiement de redevance, au choix de celle-ci.
L’article 3.2 de la directive européenne 98/44 sur la brevetabilité stipule qu’"une matière biologique isolée de son environnement naturel ou produite à l’aide d’un procédé technique peut être l’objet d’une invention, même lorsqu’elle préexistait à l’état naturel".
C'est grâce à cet article de loi très vague que les multinationales ont pu obtenir le droit à breveter les caractères des plantes.
Corinne Lepage, interrogée sur cet état de fait, ne pense pas que les choses peuvent en rester là : "tout ça doit aller à la Cour de justice de l'Union européenne. Je pense que la Commission peut le faire, ou une majorité du Parlement européen, ou encore quelqu'un qui cultive des tomates sans payer le brevet et qui peut estimer qu'il y a une distorsion de concurrence et pourrait saisir un juge en déclarant que le brevet n'est pas légal."
Pour Ch. Noiville qui s’appuie sur les travaux du HCB, il y a certainement matière à réfléchir et mieux légiférer : "La ligne de partage entre les deux droits, le COV [européen, ndlr] et le brevet, devient progressivement assez floue. Petit à petit, le brevet grignote ce qu’on croyait être le champ du COV. C’est un constat dont il faut évaluer les conséquences avant que les politiques ne décident de s’emparer du sujet pour éventuellement clarifier le droit, aujourd’hui suffisamment flou pour que des décisions comme celle de l’OEB puissent être adoptées. On peut même se demander si la Grande Chambre de Recours de l'Office européen des brevets n’appelle pas elle-même à ouvrir le débat, obligeant en quelque sorte la sphère politique, notamment la Commission, à s’emparer du sujet ».
Les brevets sur les plantes arrivent en Europe. Tout le problème est désormais de savoir quelles volontés politiques s'exerceront à leur égard. Ce que Corinne Lepage résume en une phrase : "De toutes les façons, ça ne peut pas en rester là, ce n'est pas l'Office des brevets qui fait la loi dans l'Union européenne !"
1. declicdclac 06/06/2015
des hommes et des femmes corrompus par l'appât du gain permettent de breveté les plantes saines, a quand le brevetage d'êtres humains.
2. dussart 30/05/2015
A quand le brevetage du soleil, de la lune etc.
3. EG 19/05/2015
"heureusement la connerie n'est pas brevetable !!" dommage , ça serait très juteux et je déposerais tout de suite
4. Marcel ETIENNE 18/05/2015
cela confirme ce que je pense de plus en plus : non seulement il faut libérer le sol de toute propriété (et réinstaurer des droits d'usage) mais il est impératif d'interdire la propriété intellectuelle et les brevets ! Je pense que ce serait le meilleur moyen de réorienter la recherche vers le bien commun !
5. dupety jacky (site web) 05/05/2015
heureusement la connerie n'est pas brevetable !!
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