Par Le Seum collectif, 7 mai 2016 | Mis en ligne par Paco le 15 mai 2016
Disclaimer : le travail, c’est nul. La survie, aussi. Les minima sociaux (qui sont nos droits et pas des aumônes) c’est déjà la cata et ça va devenir pire dans pas longtemps.
Il y a quelques semaines a été remis au Premier Ministre un rapport sur la refondation des minima sociaux. Chez nous au Seum, quand on entend “simplification”, “harmonisation”, “refondation”, tous nos voyants se mettent au rouge. On sait très bien que derrière ces termes se cachent trop souvent des mesures qui vont défavoriser davantage les allocataires, déjà pas dans des situations franchement enviables.
On vous propose donc deux textes : celui-ci pour comprendre ce que sont les minima sociaux aujourd’hui et pourquoi ça pue. Et un autre, qui viendra, sur comment ça va surement s’empirer, avec les trois scénarios de “refondation”, proposés il y a peu à Manuel Valls par le député PS Sirugue.
ll y a, en France, dix minima sociaux. Il s’agit de revenus non contributifs (pour lesquels il n’est pas nécessaire d’avoir cotisé1), destinés à assurer aux individus un minimum de survie, par rapport à leur situation. Voici les principaux minima et leurs montants, mensuels nets, pour une personne seule :
L’ensemble de ces allocations ont des montants inférieurs au seuil de pauvreté (1 000€ pour une personne seule). Pour la moitié d’entre eux, ils sont inférieurs à 500€ par mois, soit la moitié du seuil de pauvreté.
On se rappelle pourtant que certaines allocations, le RSA notamment, avaient pour ambition d’être fixées à la moitié d’un SMIC. On est loin du compte : il faudrait par exemple augmenter le RSA de 103€, donc de 20% si l’on souhaite atteindre cet objectif. Des allocataires très pauvres donc, avec l’ensemble des conséquences que l’on sait : difficultés à se soigner, à se loger, à se déplacer, à participer à la vie sociale et culturelle… La Cour des Comptes l’a spécifié en 2015 : les minima sociaux ne permettent pas aux allocataires de sortir de la pauvreté, la moitié d’entre eux restant “pauvres en conditions de vie”, donc dans l’incapacité d’accéder à des biens d’usage ordinaire. C’est par exemple, le découvert bancaire systématique, l’incapacité de recevoir des personnes chez soi, la privation de nourriture comme la viande, ne pas avoir d’eau chaude, sauter des repas régulièrement, ne pas posséder plus de deux paires de chaussures….
Quant au taux “d’insertion durable sur le marché de l’emploi”, il demeure extrêmement faible parmi les allocataires, alors même qu’on les oblige à suivre des “parcours d’insertion”, formalisés par un vrai contrat, exigeant mille engagements et des dizaines de contrôles intrusifs.
Seuls 2 à 4% des 4 millions d’allocataires – soit 40 à 80 000 personnes – accèdent à un emploi stable chaque année. Super pour un revenu de survie qui se targue pourtant “d’accompagner les personnes vers une qualification professionnelle ou un emploi durable”. Bien sur, le travail, ce n’est pas notre truc. Mais si parmi les personnes aux minima, il y en a qui veulent bosser, ben l’Etat est censé le leur permettre et c’est loin d’être le cas. En revanche, quand il s’agit de les contrôler, il y a du monde.
La montée en puissance, depuis une dizaine d’années, des discours politiques et médiatiques sur “l’assistanat’, produit une stigmatisation toujours plus forte des allocataires des minima sociaux. Ces discours ignorent délibérément leurs montants dont on a bien vu qu’ils permettaient à peine la survie et à aucun moment une possibilité de mener une vie décente, encore moins une existence luxueuse et privilégiée. Si Wauquiez est le chef de file incontesté des discours stigmatisants sur ce thème, il est rejoint par de très nombreuses personnalités politiques, de droite comme “de gauche”. Le député LR, Thierry Solere, a d’ailleurs fait cette semaine une très belle sortie (totalement mensongère puisque le patrimoine est pris en compte dans l’attribution du RSA) sur le sujet :
Au nombre de 4 à 6 millions (6 à 10% de la population selon si l’on prend en compte l’allocataire seulement ou sa famille), les allocataires des minima sociaux se répartissent comme suit :
Autant dire que cette réforme, si elle est un jour mise en oeuvre, concernerait alors une part importante de la population et impacterait durement la vie de millions de personnes déjà paupérisées, sur-controlées, stigmatisées.
Le nombre d’allocataires des minima sociaux ne cesse d’augmenter, et de manière importante : entre 2008 et 2013, ce sont 600 000 personnes de plus qui ont du y avoir recours, soit une augmentation de 20% en 5 ans. La pauvreté augmente, les minima sociaux permettent à peine aux allocataires de survivre, et ce serait l’heure de “réformer” ? De supprimer l’ensemble des minima pour une allocation unique ? Est ce que ce serait vraiment à l’avantage des pauvres ou plutôt à celui de l’Etat, toujours prêt à se gratter sur notre dos ?
Il ne s’agit pas de nier les différences considérables dans l’accès aux différents minima mais plutôt de les pointer du doigt. Par exemple, s’il faut quelques jours pour obtenir le RSA, il faut attendre quasiment une année entière pour percevoir l’allocation adulte handicapé. Ils font comment les gens en attendant ? Ils mangent des nuages ? Mystère.
Dans le calcul permettant d’accéder aux minima, on trouve aussi des différences importantes, qui n’aident pas à rendre clair le système : certains droits, comme le RSA, prennent en compte l’épargne sur les livrets bancaires et les allocations familiales, d’autres non. Chaque minima social comptabilise des ressources différentes pour calculer si on y a droit ou non.
Dans son référé de 2015, la Cour des Comptes proposait de fusionner les minima sociaux et de n’en garder que trois : le RSA, l’AAH et l’ASPA/minimum vieillesse. Le problème, c’est qu’il faudrait dans ce cas augmenter leur montant : le RSA, à 460€ par mois est un peu moins élevé que l’ATA, par exemple, avec laquelle on souhaite le faire fusionner.
Evidemment, la Cour des Comptes envisage aussi de pouvoir récupérer davantage sur les héritages des allocataires décédés. Et oui, l’Etat peut récupérer un certain nombre d’aides sociales accordées à un allocataire décédé ou “revenu à meilleure fortune”. Si l’héritage net dépasse un certain plafond (35 000 ou 46 000€ selon les prestations concernées), l’Etat peut les réclamer aux héritiers. C’est le cas par exemple du minimum vieillesse, des aides à domicile, des prestations dépendance hors APA ou encore du forfait hospitalier.
Enfin, bien sûr, au delà des différences dans le calcul, on trouve aussi des énormités : un couple au RSA ne touchera pas 2 RSA mais 1,5 RSA et subira le retrait de certaines prestations familiales. Ça fait 787€ de RSA – 125€ de forfait logement si le couple perçoit les APL soit… 662€ pour vivre A DEUX. Sans oublier que tout revenu apporté par un enfant à charge sera déduit du montant du RSA versé à l’ensemble du foyer. L’Amérique.
Les minima sociaux actuels, tout imparfaits et inefficaces qu’ils soient, représentent tout de même un quart du revenu des ménages les plus pauvres. C’est considérable. On rit jaune quand on voit que le gouvernement en a généreusement revalorisé certains, dont le RSA, à hauteur de 0,52€ mensuels. Même pas de quoi se payer une baguette par mois.
Enfin, ce qui caractérise les minima sociaux, c’est l’important taux de non recours, c’est à dire de personnes qui ont des droits mais qui ne les font pas valoir. Selon les prestations, cela peut aller de 35% des destinataires (pour le RSA) à 87% pour d’autres aides, comme l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, qui permet de se payer une mutuelle. Les raisons qui amènent les personnes à ne pas exiger leurs droits sont diverses et vont du manque d’information à la peur d’être stigmatisées comme “assistées”. Parmi elles, certains ne savent pas, d’autres ont peur mais il y aussi pas mal de monde qui dépose un dossier et n’a jamais de réponse.
Voilà un peu la situation actuelle, déplorable et concrètement inefficace pour permettre aux personnes qui perçoivent ces droits de sortir de la pauvreté. Alors que 10% de la population est concernée par cette “refondation” à venir, et qu’on chante les louanges, notamment à droite (ce qui devrait nous alerter) du “revenu de base” qui viendrait remplacer les allocs existantes, que vont devenir les allocataires des minimas sociaux ? Réponse bientôt.
1. Contrairement, par exemple, aux allocations chômage, qui fonctionnent comme une assurance : on cotise pendant qu’on travaille puis, lorsqu’on est au chômage, on “récupère” via l’allocation.
Source principale : http://www.gouvernement.fr/partage/6952-remise-du-rapport-de-christophe-sirugue-repenser-les-minima-sociaux-vers-une-couverture-socle
Adresse de cet article : https://leseumcollectif.wordpress.com/2016/05/07/minima-sociaux-comment-ils-vont-encore-nous-la-faire-a-lenvers/
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